Le harcèlement moral au travail, fléau du XXIème siècle, ne pourra cesser que dans la mesure où entreprises et employeurs prennent en amont des mesures préventives de lutte contre le harcèlement moral au travail et proposent à leurs salariés des conditions de travail exemplaires et saines.

En effet, l’employeur a un rôle accru dans la violence subie au travail par les salariés à raison de l’organisation du travail, des conditions de travail, des rapports entre individus et entre individus et hiérarchie, des rapports collectifs. Il est à présent obligatoire de déployer des mesures de prévention pour éviter le harcèlement au travail, les violences psychologiques et de façon plus large de prévenir les risques psychosociaux.

Mesures de prévention en France

En France, les mesures obligatoires de prévention du harcèlement moral et sexuel au travail sont définies par la loi. Les employeurs français ont ainsi l’obligation de préserver le bien-être des travailleurs et donc de mettre en place les mesures suivantes :

  1. Élaborer une politique de prévention du harcèlement moral et sexuel : L’employeur doit mettre en place une politique de prévention du harcèlement moral et sexuel au travail. Cette politique doit être formalisée par écrit et communiquée à tous les travailleurs de l’entreprise.
  2. Sensibiliser et former les travailleurs : L’employeur doit sensibiliser et former les travailleurs à la prévention du harcèlement moral et sexuel au travail. Cette formation doit être adaptée aux spécificités de chaque entreprise et doit être renouvelée régulièrement.
  3. Désigner un référent harcèlement : L’employeur doit désigner un référent harcèlement, chargé de recevoir les plaintes de harcèlement moral et sexuel et de les traiter. Ce référent doit être formé à la prévention et à la gestion du harcèlement moral et sexuel au travail.
  4. Mettre en place une procédure de traitement des plaintes : L’employeur doit mettre en place une procédure de traitement des plaintes de harcèlement moral et sexuel au travail. Cette procédure doit être formalisée par écrit et communiquée à tous les travailleurs de l’entreprise.
  5. Protéger les victimes et les témoins : L’employeur doit protéger les victimes et les témoins de harcèlement moral et sexuel au travail contre toute mesure discriminatoire ou de représailles.

L’outil RPS-DU en matière de risques psychosociaux

L’outil RPS-DU (pour « Risques Psychosociaux – Document Unique ») est un outil d’évaluation des risques psychosociaux au travail en France. Il est destiné à aider les employeurs à identifier et évaluer les facteurs de risque psychosociaux présents dans leur entreprise et à mettre en place des mesures de prévention adaptées.

L’outil RPS-DU est basé sur la méthode d’évaluation des risques psychosociaux élaborée par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Il propose une démarche structurée en plusieurs étapes, notamment l’identification des facteurs de risque, l’évaluation de leur importance et de leur fréquence, et la mise en place d’actions de prévention.

L’outil RPS-DU est un document unique qui doit être actualisé régulièrement. Il permet à l’employeur de disposer d’une vision globale des risques psychosociaux présents dans son entreprise et de mettre en place des mesures de prévention efficaces. L’utilisation de cet outil est recommandée par les autorités françaises pour prévenir le harcèlement moral et d’autres risques psychosociaux au travail.

Mesures de prévention en Belgique

L’employeur a une obligation légale de prévention en matière de harcèlement moral au travail. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement moral et protéger la santé mentale de ses travailleurs. Voici quelques exemples de mesures de prévention que l’employeur doit légalement mettre en place :

  1. Élaborer une politique de prévention : l’employeur doit élaborer et diffuser une politique de prévention qui précise les règles de conduite à respecter, les procédures à suivre en cas de harcèlement et les sanctions en cas d’infraction. Cette politique doit être communiquée à tous les travailleurs et doit être régulièrement mise à jour.
  2. Sensibiliser et former les travailleurs : l’employeur doit organiser des formations pour sensibiliser les travailleurs aux risques de harcèlement moral et les informer des mesures de prévention mises en place. Les travailleurs doivent également être formés pour identifier les comportements de harcèlement moral et savoir comment y faire face.
  3. Désigner une personne de confiance : l’entreprise de plus de 50 travailleurs doit désigner une personne de confiance, qui est un travailleur volontaire et formé pour accueillir et accompagner les travailleurs victimes ou témoins de harcèlement moral. La personne de confiance doit être accessible et indépendante de l’employeur.
  4. Mettre en place une procédure permettant aux travailleurs d’introduire une demande d’intervention à caractère psychosocial informelle ou formelle : l’employeur doit mettre en place une telle procédure confidentielle pour les travailleurs victimes de harcèlement moral. Cette procédure doit garantir la confidentialité de la plainte et protéger les travailleurs contre les représailles.
  5. Évaluer et surveiller les risques de harcèlement moral : l’employeur doit évaluer les risques de harcèlement moral dans l’entreprise et mettre en place des mesures de surveillance pour détecter les comportements de harcèlement. L’employeur doit également mettre en place un système de suivi des plaintes pour évaluer l’efficacité des mesures de prévention mises en place.

Quel est le rôle du service externe de prévention et protection au travail pour la prévention des risques psychosociaux ?

En Belgique, le service externe de prévention et protection au travail (SEPP) joue un rôle important dans la prévention des risques psychosociaux, y compris le harcèlement moral au travail.

Le SEPP est chargé de conseiller l’employeur sur les mesures de prévention à mettre en place pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs. Dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, le SEPP peut aider l’employeur à évaluer les risques de harcèlement moral dans l’entreprise, à mettre en place des mesures de prévention et à suivre leur efficacité.

Plus précisément, le SEPP peut :

  • Réaliser une analyse des risques psychosociaux : le SEPP réalise une évaluation des risques psychosociaux dans l’entreprise pour identifier les facteurs de risque de harcèlement moral. Cette évaluation peut être réalisée à la demande de l’employeur, des travailleurs ou du comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT).
  • Conseiller l’employeur sur les mesures de prévention : le SEPP peut conseiller l’employeur sur les mesures de prévention à mettre en place pour éviter le harcèlement moral et d’autres risques psychosociaux. Ces mesures peuvent inclure la mise en place d’une politique de prévention, la formation des travailleurs et des responsables hiérarchiques, la désignation d’une personne de confiance, la mise en place d’une procédure de plainte, etc.
  • Traiter les demandes d’intervention informelles et formelles  des risques psychosociaux.
  • Contrôler l’application des mesures conseillées suite à l’avis donné après une demande d’intervention formelle  : le SEPP peut contrôler l’application des mesures de prévention mises en place par l’employeur pour prévenir le harcèlement moral et d’autres risques psychosociaux.

Le SPF emploi a édité un guide sur la prévention des risques psychosociaux :

 

Les mesures préventive contre le harcèlement au travail

prevention-harcelementL’employeur et particulièrement la direction doit en amont mettre en place, un certain nombre de moyens d’action pour éviter que des faits de harcèlement se produisent. Cette prévention consiste à faire savoir qu’aucune attitude laxiste ne doit exister face à des agissements harceleurs et qu’il résulte de cela une prérogative de prévention du harcèlement auquel l’employeur est assujetti. La direction doit également être en mesure de repérer tout comportement potentiellement pervers d’un supérieur hiérarchique, mais pas seulement, et en discuter avec lui pour l’avertir des dérives à éviter.

Par ailleurs, l’employeur doit rompre l’isolement d’un salarié susceptible d’être harcelé, écouter les plaintes du harcelé, ou éventuellement les témoignages recueillis au près des délégués du personnels, ces derniers ayant pour mission d’exercer toute action pour protéger la santé des salariés et qui sont aussi dotés d’un pouvoir de signalement. L’employeur devra aussi utiliser les compétences et les attributions du médecin du travail.

Dans la mesure où l’employeur applique strictement ces mesures préventives de lutte contre le harcèlement moral au travail, la prévention sera d’une meilleure effectivité et ainsi elle permettra d’éviter le plus possible les procédures judiciaires, ces dernières étant complexes du fait du recueil de preuves à charge et du développement d’un climat professionnel malsain.

Outres ces diverses mesures de prévention, ces dernières comportent des caractères d’information, d’organisation, réglementaires et de gestion des plaintes.

Concernant les mesures réglementaires

La direction a l’obligation légale de prendre des mesures pour prévenir le harcèlement moral et le faire cesser si des cas se produisent. En effet, les conventions collectives de travail doivent comporter une déclaration de principe concernant le harcèlement moral et des sanctions disciplinaires qui peuvent être prises. L’employeur doit donc veiller à ce que tout harcèlement dont il a connaissance cesse immédiatement en prenant des mesures adéquates à l’égard du harceleur.
Par ailleurs une obligation supplémentaire se rajoute dans les entreprises et les établissements de 20 salariés et plus. En effet, les dispositions relatives au harcèlement moral dans les relations de travail doivent figurer dans le règlement intérieur, et c’est l’occasion pour le directeur des ressources humaines d’évoquer le sujet avec les salariés. Ces dispositions doivent être affichées sur le lieu de travail, pour que chaque salarié en ait connaissance.

Concernant les mesures d’information

Les mesures d’information sont essentielles, pour bien préciser à l’encadrement et aux autres membres de l’entreprise ce qui relève du harcèlement moral, détailler les comportements, gestes et propos inacceptables, signifier les sanctions potentielles et indiquer les procédures de plainte.
Des activités de sensibilisation et des formations en matière de harcèlement moral (notamment des cadres et des membres du CHSCT) doivent être organisées et conduites sous forme de campagne, avec l’aide éventuelle de conseils extérieurs de gestion des ressources humaines, et la constitution de groupes de travail dédiés à la prévention du harcèlement au travail.
En effet, c’est parce les harceleurs potentiels sentent que leurs comportements éventuels sont remis en question dans leur environnement de travail, qu’ils s’abstiendront d’adopter des conduites inappropriées, qu’ils auraient eu si cela était considéré comme naturel, normal, conféré par la supériorité, avec un sentiment d’impunité.
De plus les victimes, se sachant protégées et dans leur droit, elles hésiteront de moins en moins à protester, à se référer immédiatement au règlement, sans acrimonie ni jugement de valeur pour ne pas vexer et maintenir des bons rapports professionnels, ce qui suffit la plupart du temps à décourager le harceleur.
Quant aux témoins, notamment les collègues du harceleur, ils peuvent freiner beaucoup de situations en faisant savoir de manière claire et franche à leurs pairs que leurs comportements leurs semblent déplacés et qu’ils doivent cesser ces agissements dans leurs propres intérêts.

Concernant les mesures organisationnelles de prévention

Beaucoup de causes favorisant le harcèlement moral sur le lieu de travail résident dans l’organisation du travail et la conception des tâches, dans le style de gestion du personnel.
Par ailleurs si des améliorations dans le management par des mesures organisationnelles sont entreprises pour éliminer les situations qui peuvent engendrer du harcèlement, alors de nombreux cas d’harcèlement moral au travail seront évités.
Par exemple, la formation des managers et du directeur des ressources humaines, semble être un enjeu essentiel si l’on veut soutenir des évolutions vers une meilleure prise en charge des risques psychosociaux par les dirigeants : il semble alors utile de travailler sur l’ampleur du problème du stress lié au harcèlement au sein de l’entreprise. Cela permet de veiller à ce que l’encadrement soit capable de gérer les conflits pouvant survenir dans les équipes et déceler très tôt les premiers signes de harcèlement moral.
De plus, fixer des objectifs qui peuvent certes être ambitieux, mais aussi réalistes, résulte d’un dialogue incluant les moyens pour y parvenir, prenant en compte l’évolution des contraintes extérieures à l’employé. En effet, ne jamais atteindre ses objectifs non seulement démobilisé, ce qui est le contraire du but recherché, mais aussi peut, chez certaines personnes plus fragiles, faire naître des sentiments intenses d’infériorité, de mauvaise estime de soi, qui peuvent engendrer une grave dépression.

Concernant la gestion des plaintes de harcèlement moral

aide-harcelementPour prévenir le harcèlement moral au travail il faut établir une procédure claire destinée à recevoir et à enquêter sur les plaintes et veiller à ce que les plaintes soient traitées au travers de cette procédure. La solution au litige né d’un harcèlement d’un salarié, doit être trouvée en toute priorité au sein de l’entreprise, pour éviter la voie traumatisante, incertaine et complexe de la procédure judiciaire.
Si la victime de harcèlement moral ne peut faire cesser les agissements, elle doit pouvoir choisir une procédure informelle de traitement de sa plainte, toujours préférable, ou une procédure formelle en vue d’obtenir un jugement et des réparations si elle pense que les faits sont suffisamment graves et étayés.

Procédure informelle

Dans la procédure informelle, la victime peut s’adresser directement au harceleur présumé, avec le soutien d’un collègue ou d’un représentant du personnel ou un délégué syndical, en l’informant que son comportement est violent et qu’il doit immédiatement cesser.
La victime peut aussi indirectement s’adresser, avec les mêmes soutiens, au supérieur hiérarchique du harceleur, à la Direction des Ressources Humaines ou au Médecin du Travail, qui mèneront par la suite leur enquête, qui informeront le harceleur présumé de cette plainte, et l’enjoindront à modifier son comportement éventuellement délictueux.

Procédure formelle

Quant à la procédure formelle, les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte en cas de harcèlement moral. Ils peuvent saisir l’employeur qui doit procéder sans délai à une enquête et mettre fin à cette situation. À défaut, le salarié ou le délégué, avec son accord, peut saisir le référé prud’homal.

L’inspecteur du travail peut également intervenir en cas de conflit, et sur des demandes d’intervention par écrit des victimes de harcèlement.
Par ailleurs le Médecin du Travail a un rôle prééminent dans la prise en charge du harcèlement moral au travail. Il peut aider à transformer la situation de harcèlement en conflit qu’un dialogue pourra tenter de résoudre. Il peut aussi alerter l’employeur d’une situation de violence à laquelle il faut remédier et engager le dialogue sur les conditions de travail générant des souffrances. Il peut directement aider le salarié à analyser, élaborer, délibérer et prendre des décisions qui concernent sa santé. Enfin, il peut donner un avis d’inaptitude au poste de travail (avec l’accord de l’intéressé) au cours d’un examen pour faire cesser une situation qu’il juge dangereuse pour la santé de l’individu, et demander un reclassement ou tout simplement une mutation.

Enfin le CSE a un rôle accru dans la prévention du harcèlement moral au travail. En effet, le CSE dans son rôle d’analyse et de veille des risques professionnels, d’application de la réglementation, peut détecter un climat relationnel nuisible et de nombreux cas de harcèlements moraux potentiels. Il peut faire des propositions d’actions de prévention, mettre en place des indicateurs de santé psychologique, déclencher le droit d‘alerte et faire appel à des expertises externes.
Ainsi, de nombreux moyens sont mis à disposition de l’employeur pour lutter de manière active et préventive contre le harcèlement moral au travail, fléau du XXIème siècle qui ne cessera de faire des ravages et de détruire des vies et des personnes si les choses restent inchangées.

Conclusion

Toutes les formes de harcèlement en contexte professionnel sont proscrites et sanctionnées. Chaque entreprise ou pouvoir public se doit de mettre en place des politiques de prévention afin de préserver la santé et la qualité de vie au travail des salariés et fonctionnaires.