En cas de harcèlement au travail, la Belgique a prévu une procédure avec un conseiller en prévention aspect psychosociaux externe. Dans la suite, nous utiliserons l’acronyme CPAP. Il ou elle occupe un rôle charnière dans les démarches mises à disposition d’un salarié pour faire cesser du harcèlement au travail. Hélas, dans les faits, il semble qu’il constitue plus un problème qu’une solution. Dans cette page, nous vous expliquons comment vous y prendre lors de vos contacts avec le CPAP. (Nous ne considérerons ici que les risques psychosociaux à caractère individuels).

Les points d’attention vis à vis du CPAP et du non-respect des textes

Ci-dessous, nous vous donnons des points d’attention et les extraits légaux. Si vous votez que vos droits ne sont pas respectés, il faut malgré tout rester posé. Pensez que le CPAP est tout puissant pour émettre son avis puisque quoi qu’il arrive il est réputé indépendant. Ne remettez surtout pas en question cette « neutralité » même si son attitude vous amène à en douter.

Essayez posément de faire respecter vos droits. Si ce n’est pas le cas, notez et regroupez des preuves que vos droits ont été bafoués.

Tant que l’avis n’a pas été envoyé, il ne faut rien faire d’autre. Si l’avis manque d’objectivité, vous pourrez utilisez ce que vous aurez noté pour démontrer des infractions.

La prise du rendez-vous avec un conseiller en prévention aspect psychosociaux

Légalement, votre règlement de travail doit vous indiquer quelles sont les procédures mises en place par votre employeur en matière de risques psychosociaux. Parmi celles-ci, un service externe de prévention et protection externe si votre employeur est une organisation de plus de 50 travailleurs.

La section 3 (Demande d’intervention psychosociale du travailleur) de l’Arrêté Royal relatif  à la prévention des risques psychosociaux du 10 avril 2014 prévoit que :

Art. 10.Outre la possibilité de s’adresser directement à l’employeur, aux membres de la ligne hiérarchique, à un membre du comité ou à un délégué syndical, le travailleur qui estime subir un dommage psychique, qui peut également s’accompagner d’un dommage physique, découlant de risques psychosociaux au travail, dont, notamment la violence, le harcèlement moral ou sexuel au travail, peut faire appel à la procédure interne visée à la présente section.

Le salarié demande un rendez-vous auprès du CPAP. Il y alors deux points d’attention qui ont déjà été bafoués :

  1. « Art. 12.§ 1er. Les travailleurs doivent avoir la possibilité de consulter la personne de confiance ou le conseiller en prévention aspects psychosociaux pendant les heures de travail.« 
  2. « Art. 13. Au plus tard dix jours calendriers après le premier contact, la personne de confiance ou le conseiller en prévention aspects psychosociaux entend le travailleur et l’informe sur les possibilités d’intervention, visées à l’article 11.« 

A plusieurs reprises, nous avons constaté que le rendez-vous était donné dans un délai dépassant les 10 jours calendriers. Souvent, le Service Externe de Prévention et Protection au Travail (SEPPT) invoquera une surcharge ou d’autres éléments pour ne pas appliquer la législation.
Il arrive aussi que le RDV ne soit pas donné pendant les heures de travail (a ce propos, rassurez-vous c’est une visite médicale qui est invoquée par le SEPPT qui envoie une convocation à l’employeur. L’employeur ne sait (en théorie, car rien n’empêche d’avertir d’un petit coup de fil ni vu ni connu) pas que vous entamez des démarches à propos des risques psychosociaux.

Les propositions du CPAP lors du RDV

conseiller en prévention aspect psychosociauxDans un premier temps, le conseiller en prévention aspect psychosociaux a un rôle d’information.

L’article 11 de l’AR prévoit que :

« Art. 11.La procédure interne permet au travailleur de demander à la personne de confiance ou au conseiller en prévention aspects psychosociaux, selon les modalités détaillées dans la présente section :

a) soit une intervention psychosociale informelle;

b) soit une intervention psychosociale formelle; »

Dans les cas dont nous avons connaissance, le CPAP n’informe jamais de façon neutre. Il fait littéralement la promotion de la demande d’intervention informelle. Pour ce faire, il va affirmer qu’une demande formelle met de l’huile sur le feu. Il va culpabiliser la personne en souffrance en lui faisant croire qu’elle serait belliqueuse en cas d’introduction d’une demande formelle.

Nous avons aussi connaissance d’un cas où le CPAP a essayé de pousser la victime à la démission.

Si vous êtes harcelée ou harcelé, le choix vous revient. Essayez de comprendre les mécanismes et l’ampleur du harcèlement et agissez en fonction de vos intérêts sans vous rendre coupable de quoi que ce soit.

La demande d’intervention psychosociale informelle

Cette demande est à privilégier si vous pensez qu’il n’y a pas vraiment d’intention malveillante. Vous pouvez aussi y avoir recours si les faits commis à votre encontre ne le sont que par une personne à condition que cette personne ne soit pas protégée par votre hiérarchie.

Si vous avez à faire à des personnes de bonnes volontés, la conciliation permet de trouver une issue rapide à la situation de harcèlement.

La demande d’intervention psychosociale formelle

L’expérience nous montre que, dans la plupart des cas, soit le harcèlement est structurel soit il est couvert par la hiérarchie. Dans ces cas, la demande formelle est à conseiller.

Vous devez aussi avoir à l’esprit que si vous introduisez une demande formelle, vous bénéficiez d’une protection contre les modifications de vos conditions de travail (et donc le licenciement) pendant un an. Avec la demande informelle, ce n’est pas le cas. Vous vous exposez donc à ce que votre employeur vous licencie.

Pour introduire une demande d’intervention psychosociale formelle, un second rendez-vous endéans les 10 jours calendrier est requis.

Le salarié se voit remettre un formulaire dans lequel il doit lister tous les faits constitutifs de harcèlement et y joindre ses preuves. La demande formelle peut être refusée par le CPAP. C’est là un autre point d’attention, l’article 17 § 3. « Le conseiller en prévention aspects psychosociaux refuse l’introduction de la demande d’intervention psychosociale formelle lorsque la situation décrite par le demandeur ne contient manifestement pas de risques psychosociaux au travail. »

Le refus ne peut avoir été motivé que parce que la situation ne comporte pas de risques psychosociaux.

Au niveau de la chronologie, la demande est réputée être reçue 3 jours ouvrables après son envoi. Au plus tard dans les 10 jours calendrier, le CPAP doit notifier le refus ou la réception de la demande formelle.

Information de la demande formelle

Le CPAP informe dans les meilleurs délais par écrit selon « Art. 24. Le conseiller en prévention aspects psychosociaux informe par écrit l’employeur du fait qu’une demande d’intervention psychosociale formelle a été introduite et qu’elle présente un caractère principalement individuel. Il lui communique l’identité du demandeur.  »

Conseil : A partir du moment où votre employeur est informé. Il est souvent utile de lui faire part de quelques éléments (pas tous bien sur) inclus dans la demande. En effet, la loi du 4 août 1996 prévoit dans son article 32septies.- § 1er. que

« Lorsque des actes de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail sont portés à la connaissance de l’employeur, celui-ci prend les mesures appropriées, conformément aux dispositions du présent chapitre.

Lorsque la gravité des faits l’exige, l’employeur prend les mesures conservatoires nécessaires. »

Si votre employeur est de bonne volonté et que les faits communiqués le justifient, l’employeur doit prendre des mesures avant même d’avoir l’avis du CPAP.

Le conseiller en prévention aspect psychosociaux rédige un avis et des recommandations

Le CPAP a trois mois pour rédiger un avis et émettre des recommandations. Mais comme l’article 27 prévoit que :

« Ce délai peut être prolongé de trois mois maximum pour autant que le conseiller en prévention aspects psychosociaux justifie cette prolongation en transmettant les motifs par écrit à l’employeur, au demandeur et à l’autre personne directement impliquée. »

Dans tous les cas dont nous avons connaissance, le délai a systématiquement été prolongé.

Le CPAP envoie son avis et recommandations

En tant que plaignant, vous recevrez un document très synthétique (un résumé) qui dira (dans 95% des cas) que vous n’avez pas été harcelé. Mais qu’il y a un conflit avec des responsabilités de part et d’autre. Et vous pourrez voir les recommandations vous concernant. Votre employeur lui reçoit le document complet.

Dans de nombreux cas, des erreurs (volontaires ou pas ?) sont présentes dans l’avis. Mais vous ne savez pas le voir à moins de demander l’avis complet.

Point d’attention très important : Si vous envisagez d’introduire une action en justice, vous pouvez demander la copie de l’avis complet à votre employeur qui est obligé légalement de vous l’envoyer.

Quelle attitude adopter suite à la réception de l’avis du CPAP ?

Tout dépend bien sur :

  • du contenu de l’avis et de son objectivité,
  • des recommandations faites.

L’avis peut conclure au harcèlement, à de la violence psychologique, à un hyper conflit voire à un simple mal être. Si vous êtes en désaccord avec l’avis donné, il faut déterminer sur quelles bases.

Vous pouvez vous plaindre de l’avis auprès du SPF emploi service du contrôle du bien-être (CBE). L’inspecteur social enquêtera. Soyez conscient que cela peut se retourner contre vous puisque les CPAP et le CBE sont amenés à travailler souvent ensemble et se connaissent.

Si l’avis vous donne gain de cause, il peut être suffisant pour vous faire indemnisé du préjudice subi.

Pour cette dernière étape, il peut être utile de consulter un avocat spécialisé en droit social.

Conclusion

Évitez d’être naïf avec un conseiller en prévention aspect psychosociaux. Psychologiquement, quand vous êtes amené à la contacter, vous êtes en situation émotionnelle compliquée et vous êtes fragilisé. Essayez de garder la tête froide et de comprendre le fonctionnement du CPAP, certains sont surement réellement neutre et indépendant, d’autres ne le sont pas.