Se faire harceler au travail met la victime dans une situation très dommageable et très compliquée. Quand un salarié des actes abusifs, il ne se rend pas toujours compte qu’il s’agit de harcèlement. Une fois que cette étape est franchie, il reste à apprendre à s’en défendre et s’en prémunir.

A un moment où un autre, le salarié doit prouver le harcèlement moral. Dans cet article, on vous explique comment essayer de pouvoir confondre votre ou vos harceleurs qui, très souvent, sont suffisamment intelligents et habiles pour rendre la preuve du harcèlement compliquée.

Qu’est-ce qu’une preuve ?

La preuve peut être définie comme la démonstration d’ un fait ou d ‘un acte, selon les modes définis par la Loi.

Qu’est-ce que la charge de la preuve en droit ?

La charge de la preuve est le fardeau qui incombe à une personne ou une partie dans un procès de démontrer l’existence d’un fait. La charge de la preuve peut varier en fonction du type de procès et du type de demandes ou de prévention.

La charge de la preuve pour les procédures en Belgique

La charge de la preuve peut différer selon la juridiction. Il existe deux ordres de poursuite :

  • une demande civile qui consiste à faire réparer le dommage subi
  • une demande pénale qui consiste à faire punir les personnes ou l’organisation à l’origine des faits de harcèlement ou de violences psychologiques.

La législation pénale sur le harcèlement au travail en Belgique

Le code pénal social, disponible via ce lien en choisissant Code Pénal Social dans le menu déroulant prévoit dans son article 119 section 2 :

Les actes de violence et de harcèlement moral ou sexuel au travail
Est punie d’une sanction de niveau 4, toute personne qui entre en contact avec les travailleurs lors de l’exécution de leur travail et qui, en contravention à la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, commet un acte de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.

Les peines sont de la prison ou des amendes administratives. Dans ce contexte, le principe de présomption d’innocence joue et « la preuve de la culpabilité appartient à la partie poursuivante » (L. Kennes, La preuve en matière pénale, Vol. I, Bruxelles, Editions Kluwer, 2005, p. 13 ; Avant-projet de Code de procédure pénale, Doc. parl., Chambre des représentants, session ord. 2001-2002, n° 2043/001, p. 177, art. 2.).

Tout travailleur qui poursuit sur base d’un fondement délictuel tel que non-respect du bien-être au travail doit apporter les preuves de ce qu’il avance.

La charge de la preuve dans une procédure civile pour harcèlement moral au travail

Dans le cadre d’une action civile régie par le droit du travail, l’apport de la preuve est partagé selon la loi relative au bien-être. Cette loi oblige l’employeur à prouver l’absence de harcèlement.

Dans ce cas, le travailleur plaignant va devoir apporter des éléments qui permettent de présumer de l’existence de harcèlement moral au travail. On peut qualifier cela de commencement de preuve. Ce sera alors à l’employeur de prouver qu’il n’y a pas eu harcèlement.

L’article 32 undecies de la loi du 4 août 1996 :

« Lorsqu’une personne qui justifie d’un intérêt établit devant la juridiction compétente des faits qui permettent de présumer l’existence de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail, la charge de la preuve qu’il n’y a pas eu de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail incombe a la partie défenderesse. L’alinéa 1 ne s’applique pas aux procédures pénales et ne porte pas atteinte à d’autres dispositions légales plus favorables en matière de charge de la preuve. »

Si vous voulez vous faire dédommager en portant plainte pour harcèlement moral au travail en Belgique, il vous faudra réunir des éléments pouvant présumer du harcèlement. Dans le cadre de la procédure pénale à l’auditorat du travail, vous devrez prouver le harcèlement au traviail

La charge de la preuve pour les procédures en France

En matière civile, dans le cas de harcèlement au travail en France, le salarié doit seulement fournir des éléments factuels qui suggèrent l’existence d’un harcèlement. Ensuite, c’est à l’employeur de prouver que les actions invoquées sont justifiées par des éléments objectifs qui sont sans rapport avec le harcèlement.

En vertu de la jurisprudence, la présomption d’existence d’un harcèlement peut être établie si l’on considère que l’existence d’un préjudice subi par le salarié est hypothétique.

La cour de cassation a tranché en faveur du salarié en rappelant que :

« lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement…
qu’en écartant le harcèlement moral après avoir constaté que ces faits laissaient présumer son existence, cependant qu’il lui appartenait de dire si l’employeur établissait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d’appel a violé l’article L. 1154-1 du code du travail. Source« 

Si vous envisagez une action au Conseil de Prud’hommes, il faudra donc réunir des preuves permettant de présumer du harcèlement. A charge de votre employeur de se justifier par rapport aux éléments que vous aurez avancer.

Quels sont les éléments qui peuvent aider à prouver un harcèlement moral ?

En matière civile et commerciale, il existe différents types de preuve. Selon le site de l’Union européenne consacré à la justice de chaque pays, 5 moyens de preuve sont reconnus et organisés en Belgique par le code civil :

  • la preuve écrite qui peut être sous forme d’actes authentiques, d’actes sous seing privé et de certains écrit non signés ;
  • la preuve testimoniale ;
  • la preuve par présomptions ;
  • la preuve par aveu ;
  • la preuve par serment.

La preuve par aveu est la preuve réputée comme étant la plus représentative. Ensuite, la preuve par écrit est, parmi les modes de preuve, celle qui se trouve en deuxième position.

Comment prouver le harcèlement moral

La salarié qui s’estime victime de harcèlement moral doit donc essayer de réunir un maximum de preuves. Le harcèlement moral au travail est complexe et les harceleurs sont, souvent, précautionneux afin de ne pas s’exposer. Mais avec le temps et une certaine organisation, il est possible de réunir des preuves.

Il convient de tout numériser et de conserver une ou plusieurs copie de sauvegarde.

Pour chaque fait, faites un registre que vous pouvez présenter comme ceci :

liste fait harcelement

Les écrits prouvant le harcèlement

Les documents écrits, tels que les courriels, les messages instantanés ou les notes de réunion, qui peuvent montrer que des commentaires désobligeants ou des comportements inappropriés ont eu lieu. Conservez soigneusement chaque écrit sous forme numérique et organisez-les. Vous imprimez les emails dans des fichiers pdf, vous faites des captures d’écran de SMS ou de messagerie et vous scannez avec une application dédiée les documents papiers.

Si vous êtes salarié harcelé, vous devez donc systématiquement demander ou envoyer des feedback de réunions, demander que les consignes qui vous ont été données le soient par écrit, etc.

Les enregistrements

Les enregistrements audio ou vidéo de situations de harcèlement doivent être collectés de façon non préméditées sans qu’il ne s’agisse d’un piège.

Les témoignages

Très souvent, les témoins sont plutôt du côté de la hiérarchie et donc contre la personne harcelée. Autant, il est confortable d’essayer de tirer profit d’une situation en témoignant pour son entreprise ou son employeur autant, s’exposer à des représailles ou risquer de se faire harceler soi-même n’incite pas à témoigner.

En général, il est compliqué pour une victime de compter sur ce genre de preuve.

Les preuves médicales

Les preuves médicales, telles que les rapports de médecins ou les certificats de maladie, qui peuvent montrer que la victime a souffert de stress ou de troubles mentaux liés au harcèlement.

Peut-on enregistrer une conversation comme preuve ?

Peut-on enregistrer une conversation comme preuveLe principe qui est le plus appliqué actuellement est une grande réticence à écarter des preuves obtenues de manière irrégulière. On constate aussi une application différente selon la cour ou le tribunal concerné.

Selon le site de l’organisme belge pour l’égalité des chances Unia, en cas de discrimination on peut enregistrer une conversation à laquelle on participe.

En effet, un enregistrement sonore peut être admis comme preuve en matière de discrimination. Selon Unia, cela a été confirmé par plusieurs décisions en justice :

De façon plus générale et donc pas uniquement en matière de discrimination, la plupart des sources parlent de la recevabilité comme preuve d’un enregistrement même si il a été obtenu de manière illicite du moment qu’il respecte la vie privée des participants.

Les textes légaux qui encadrent la vie privée sont :

  • l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme,
  • l’article 22 de la Constitution, garantissant à chacun le droit à la vie privée,
  • l’article 314bis §2 du Code pénal dans le chapitre relatif au secret des communications,
  • le RGPD, Règlement européen sur la protection des données.

Il semble donc bien légal pour un salarié participant à une conversation d’enregistrer celle-ci à l’insu des autres. Les articles mentionnés ci-dessus ne l’interdisant pas. Voyons si l’usage de cet enregistrent est licite.

La jurisprudence Antigone

C’est la jurisprudence Antigone issue d’un jugement de la Cour de cassation qui a amené via la loi du 24 octobre 2013 à modifier le Code de procédure pénale. Si cette jurisprudence a été développée en droit pénal, elle s’applique aussi en matière civile.

La jurisprudence Antigone dit que les enregistrements secrets peuvent être considérés comme preuves recevables à condition de remplir ces conditions :

  • ne pas être interdits par la loi,
  • ils ne méconnaissent pas une forme requise sous peine de nullité,
  • leur fiabilité : pour être fiable, il faut produire un enregistrement entier et pas des extraits,
  • chaque partie conserve son droit à un procès équitable malgré leur utilisation.

Pour maximiser les chances de recevabilité d’un enregistrement comme preuve du harcèlement moral (mais pas que dans ce cas), il faut avoir agi de façon non préméditée. Celle ou celui qui prépare des question piège verra son enregistrement être rejeté, celui qui agit de bonne foi et a enregistré une scène a toutes les chances de voir cette preuve acceptée.

Les enregistrement de conversations téléphoniques

La jurisprudence et la doctrine refusent l’usage de l’enregistrement des conversations téléphoniques entre tiers. En effet, celui-ci est illicite, sauf autorisation d’un juge pénal. Il ne peut donc servir de preuve que ce soit dans un procès pénal ou civil.

Toutefois, il est déjà arrivé qu’un juge a décidé de l’écouter car il était proportionné au but recherché, c’est à dire de prouver un comportement irrégulier.

Conclusion

Prouver le harcèlement moral au travail est une démarche très lourde et qui demande d’énormes sacrifices au niveau temps et de la santé. Néanmoins, si un salarié ou fonctionnaire victime de harcèlement au travail s’employait à réunir des preuves de façon organisée, il mettrait toutes les chances de son côté dans le cadre d’une procédure judiciaire.